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06.08.2002





























Le Monde: "La crisis económica Argentina toma carácter regional"

La crise économique argentine prend une tournure régionale
Buenos Aires de notre correspondante

La soudaine explosion populaire de décembre 2001 en Argentine, avec la
chute du gouvernement démocratique de Fernando de la Rua et une brutale
répression qui a fait une trentaine de morts, est devenue un symbole de la
crise du modèle néolibéral en Amérique latine. La débâcle de l'Argentine -
considérée jusqu'alors comme le meilleur élève du Fonds monétaire
international - a aggravé les problèmes des pays voisins comme l'Uruguay,
le Paraguay et le Brésil mais complique aussi une économie plus stable
comme celle du Chili.

Ce dernier a d'importants investissements en Argentine, dans le secteur de
l'électricité et du commerce.

Le nombre de touristes argentins a chuté de 60 % vers le Chili et de 80 %
vers le Brésil. Le Mercosur, le marché commun sud-américain (Argentine,
Brésil, Uruguay, Paraguay, avec comme membres associés le Chili et la
Bolivie), est au point mort. Des "cacerolazos" (concerts de casseroles)
ont eu lieu à Buenos Aires mais aussi à Montevideo et à Caracas. Des
"piqueteros" coupent les routes et les ponts en Argentine, mais également
au Paraguay, au Pérou et jusque dans le sud du Chili où les pêcheurs
artisanaux s'opposent au projet de privatisation de la pêche.

L'Uruguay a cessé d'être la "Suisse de l'Amérique du Sud" et le credo
libéral du président Jorge Battle (centre droit) n'est pas parvenu à
freiner la fuite des dépôts bancaires - 40 millions de dollars par jour -,
la montée du "risque pays" et la liquidation des réserves de la banque
centrale. L'opposition de gauche du Frente Amplio a bloqué toute
privatisation. Le Paraguay, fort dépendant de l'Argentine et du Brésil,
est secoué par de violentes manifestations qui ont fait deux morts le 15
juillet. Des milliers de personnes ont rejeté toute privatisation et ont
dénoncé une pauvreté qui touche 60 % de la population.

PRIVATISATIONS REJETÉES

Au Pérou, après avoir été élu il y un an avec 52 % des suffrages, le
président Alejandro Toledo recueille 72 % d'opinions défavorables. Avec
des promesses sociales non tenues, des rébellions l'ont obligé à suspendre
la privatisation de deux compagnies d'électricité dans le sud du pays. Les
tanks sont entrés dans les rues, faisant un mort. M. Toledo a dû proclamer
l'état de siège, remanier son gouvernement et abandonner le programme de
privatisations dont il attendait 700 millions d'euros.

En Bolivie, les tentatives de privatisation de la compagnie des eaux Aguas
del Tunari ont été suspendues après la mobilisation de plusieurs
syndicats. En Equateur, le président Gustavo Noboa n'a pu vaincre
l'opposition populaire contre les privatisations de dix-sept usines
d'électricité. A Quito, plusieurs des candidats à la présidence, prévue en
octobre, rejettent les privatisations et la dollarisation de l'économie.
La violence politique paralyse l'économie de la Colombie et du Venezuela.

Malgré le retour de la démocratie dans les années 80, l'Amérique latine
est en crise. Les inégalités sociales restent très grandes dans tous les
pays de la région. La vague de réformes néolibérales entreprises dans les
années 90, sous la houlette du Fonds monétaire international -
privatisations et ouverture de l'économie -, n'a pas apporté le bien-être
espéré. Du nord au sud, la multiplication de violents conflits, le rejet
des privatisations et des multinationales étrangères révèlent une
frustration généralisée.

Au début du XXIe siècle, le bilan est sombre. La pauvreté touche 44 % de
la population latino-américaine. Le nombre de chômeurs a doublé en dix
ans. Le taux moyen du chômage en Amérique latine a atteint 9,4 % au cours
du premier trimestre 2002, soit le plus élevé depuis les années 80. Selon
des chiffres de l'Organisation internationale du travail (OIT), l'absence
d'emploi touche particulièrement les jeunes : 46 % en Argentine, 35,1 % en
Uruguay, 26,2 % au Venezuela, 20,2 % au Chili, 17,1 % au Pérou, 13,7 % au
Brésil et 5,4 % au Mexique.

Le panorama politique est incertain. "Que se vayan todos" (qu'ils s'en
aillent tous), ce slogan scandé depuis des mois par les Argentins trouve
un écho dans la région. Sans remettre en cause la démocratie, les citoyens
ont perdu confiance dans les dirigeants politiques. Une faible minorité
qualifie de "très bonne" ou "bonne" la gestion des chefs d'Etat, selon un
sondage Gallup, réalisé entre avril et mai, dans 14 pays
latino-américains. Seuls, au Chili et au Mexique, les présidents Ricardo
Lagos et Vicente Fox ont une image positive auprès de 45 % de la
population. La crise financière est générale avec une dévaluation des
monnaies, une fuite des dépôts bancaires et un recul des investissements
étrangers.

VOLONTÉ D'ÉMIGRER

En raison du chômage et de l'assouplissement à outrance des lois du
travail en Amérique latine, une grande partie de la population est
condamnée à l'exil. Plus de 10 millions de Latino-Américains souhaitent
émigrer vers les Etats-Unis ou l'Europe. Attirés dans les années 90 par le
nouvel eldorado, les investisseurs sont en retrait. Ils ne font pas
toujours de différences entre les pays - comme le Chili - et se méfient
globalement du continent. Au Brésil, ils craignent qu'un des deux
candidats de gauche - Luis Inacio Lula da Silva ou Ciro Gomez -, favoris
dans les sondages, gagne l'élection présidentielle d'octobre et que le
pays refuse d'honorer ses engagements à l'égard de ses créanciers.

Le sommet de Guayaquil en juillet, qui a réuni les principaux chefs d'Etat
sud-américains, a montré des présidents affaiblis et sans solution de
rechange. Les Etats-Unis étaient convaincus que la crise argentine était
un cas isolé. Ils s'inquiètent désormais des turbulences au niveau
régional.

Christine Legrand

Le voyage de Paul O'Neill

Le secrétaire américain au Trésor, Paul O'Neill, effectue, du lundi 5 au
mercredi 7 août, une tournée dans trois pays d'Amérique latine en crise :
Brésil, Uruguay et Argentine. Dans une déclaration préalable, il a
souligné que l'avenir des Etats-Unis "est étroitement lié au succès et à
la sécurité de nos voisins les plus proches". Il a réaffirmé son soutien à
l'équipe du président brésilien, Fernando Cardoso, qu'il a cité parmi les
dirigeants régionaux qui adoptent "les mesures appropriées visant à
construire des économies solides, fermes et de croissance". Il a salué les
mesures "énergiques et difficiles [prises par l'Uruguay] pour restructurer
le secteur bancaire dans la vague de graves secousses extérieures". M.
O'Neill a souhaité que les employeurs argentins fassent preuve d'une
"meilleure compréhension de l'économie réelle, des questions sociales et
de la société civile".






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